Accueil > Education Artistique et Culturelle > Prix littéraire des lycéens, apprentis et stagiaires de la formation (...) > Archives Prix littéraire des lycéens 2015-2022 > 2019 2020 > Les auteurs du Prix littéraire des lycéens, apprentis et stagiaires de la (...)

Les auteurs du Prix littéraire des lycéens, apprentis et stagiaires de la formation professionnelle de la région Île de France s’adressent aux élèves du Lycée Jean Monnet

La 9ème édition du Prix littéraire des lycéens, apprentis et stagiaires de la formation professionnelle de la région Île de France à laquelle le lycée Jean Monnet a participé sur l’année 2019-2020 fut bouleversée par bien des aspects.

Afin de garder trace de cette édition inhabituelle, et tisser un lien durable entre ses participants, la Région a souhaité proposer aux auteur(e)s d’écrire un texte à l’adresse des lycéens qu’ils auraient dû rencontrer le 18 décembre au théâtre Montansier.

Les cinq auteurs ont répondu.
Voici les lettres de Line Papin et de Yvon le Men, que nous avions eu le plaisir d’accueillir au lycée.

Chers lycéens,

Quelle année ! Pour nous tous mais pour vous, surtout. Le monde, en désordre, en
panique, en crise et en crainte, vous attend pourtant. Au lycée, on apprend à devenir qui l’on est : un individu qui se tient debout sur la Terre, avec ses passions sous le bras. Non plus un enfant, mais une personne qui croit en son destin et avance. C’est au lycée que j’ai vécu les années les plus difficiles et, en même temps, les plus exaltées. Plus rien ne nous protège, mais tout est à découvrir. Dans une époque confinée, comment faites-vous ? Ce n’est pas une année perdue, c’est une année, spéciale, qui vous est donné à vivre.

Je suis plus qu’honorée de participer à ce prix car mon livre, Les Os des Filles, est
né d’une année de lycée. En seconde, j’ai alterné entre l’hôpital et les cours. Plus tard, j’ai voulu comprendre pourquoi cette époque avait été si douloureuse, pourquoi une jeune fille de seize ans avait pu se laisser ainsi tomber, au point de ne plus se nourrir ? Alors, j’ai remonté l’histoire de mon enfance, de ma famille, de ma mère. Cette histoire familiale m’a donné des clés pour comprendre qui j’étais, d’où venaient mes souffrances et qui j’avais envie de devenir, au regard de ce qui m’avait mis au monde. J’ai compris, aussi, que la culture, l’art, la littérature pouvaient nous tirer du désarroi, que la curiosité, la bienveillance et la générosité pouvaient faire grandir notre petit « moi. »
Nous avons bien besoin de tout cela, aujourd’hui, non ? Je regrette de ne pouvoir
venir vous voir en personne, à cause de cette pandémie mondiale et des restrictions qui en découlent, mais je vous adresse mes meilleurs sentiments et vous souhaite le
meilleur pour votre merveilleux futur.

Line Papin

Un cri fendu en mille

Mon premier voyage fut de traverser la route qui me séparait de mes voisins. Le second, d’aller à l’école pour découvrir le monde. Et les autres voyages furent de joindre les deux bouts de ces deux mondes qui ont commencé au seuil de l’enfance et finiront au seuil du mystère, du grand mystère de l’Autre Monde.
De mon hameau fait de quatre maisons jusqu’à l’immense ville de Pékin au bord de la mer de Chine, il a de quoi ouvrir les yeux et tendre les oreilles. Si loin, si près, avec cette devise : Va à l’étranger comme chez ton ami/ et chez ton ami comme à l’étranger.
Le monde est grand et je suis petit. Je suis grand et le monde est petit. Le monde est grand et je suis grand de ce monde qui parfois est petit, ne serait-ce que dans nos têtes, ai-je écrit en préface à mon livre : Un Cri fendu en mille, le troisième tome de la trilogie : Les Continents sont des radeaux perdus. Comme cela se vérifie aujourd’hui, à travers ce virus qui nous rassemble et nous sépare en même temps. D’où la nécessité de tenter de le comprendre, sinon de l’aimer, en passant par des cartes de géographie ou de poésie. C’est ce que j’ai tenté de faire dans ce livre. Cette curiosité remonte à mon enfance quand, dans le jardin auprès de mon père, je l’écoutais, l’oreille creusée, me raconter, par les histoires de l’Histoire, comment le monde s’était crée en pays et comment ils se battaient les uns contre les autres, jusqu’à sonner l’heure obligatoire de la paix.
Mais si les historiens savent nous parler des faits, les poètes, eux, nous parlent de ce qui se passe autour et au coeur des faits, à l’intérieur de l’homme, de la femme et de leurs enfants. Des conséquences de la guerre dans leurs corps, dans leurs âmes. Tels ces poèmes : A cinq kilomètres et à siècle de Goethe, Buchenwald ; Bretagne – Bosnie, aller et retour ; Autour du mont Liban.
Ainsi pour l’histoire, aussi pour la géographie : Au bord du fleuve Congo, Au bord du fleuve jaune, Saint-Pierre sans Miquelon sous le nuage islandais et enfin : Quelque part dans le ciel.
J’ai croisé le stylo entre histoire et géographie, entre pays et paysages, entre vies et visages, entre ce qui dure et ne dure pas. Et dure encore et encore, ne serait-ce qu’un instant, dans les yeux du voyageur, du lecteur, quand il entend les images faire des mots dans ses yeux.
Les poèmes de ce livre me sont venus en me frottant aux autres, par les voyages ou à défaut, par des lectures, comme on allume un feu. Un feu de joie, parfois, la joie d’être au monde, dans le monde comme chez soi. Malgré tout…

Yvon Le Men, décembre 2020

Menu