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FABIEN PRUNIER pour le sujet "Corps/objets de la sculpture", Décembre 2010

Au cours de la résidence des terminales Arts plastiques au centre d’art La source de décembre 2010 :

Tout à commencé, lorsqu’il a fallu trouver en 30 minutes, l’idée de mon projet que je réaliserais pendant cette semaine.
Je voulais dès le départ utiliser une partie de mon corps puisque je voulais entretenir les liens entre spectateur / Auteur de l’œuvre, et notamment avec la présence de mon visage. J’avais parmi mes objets, apporter un bougeoir. Je souhaitais l’utiliser et lui donner la fonction de socle sur lequel je poserais mon visage. J’obtenais alors un lien évident avec mon travail précédemment réalisé en classe dans lequel des visages d’élèves avaient été utilisés pour se substituer au visage d’un buste de sculpture antique.

Fabien Prunier, La Source, décembre 2010

Le corps apparaissait ici comme une sculpture. Après quelque croquis, j’ai aboutis une esquisse plutôt satisfaisante, en tentant de représenter au mieux les contrastes et les formes. Mais il me manquait la notion de jeu et de plaisir que je voulais transmettre au spectateur puisque un de mes projets précédents reflétait bien cet aspect avec la présentation d’un chausson de bébé comme objet symbolique.

Après une remise en question de mon dessin et en demandant l’avis des autres élèves et des accompagnateurs, m’est venu l’idée du bilboquet. Il me manquait simplement la corde qui permettrait de lier le socle et la tête. Pour des problèmes de proportionnalité, il me fallait déformer le socle lors du moulage dans la terre pour obtenir une échelle en accord avec celle de la tête. Cependant avec la déformation je perdais forcément les formes de mon " socle bougeoir". Du coup j’ai voulu inventer un socle que je taillerais directement au couteau dans le plâtre, que je creuserais par la suite.

Ce principe me plaisait car j’inventais mon objet à utiliser. Mais cette étape c’est avérée plus compliquée que prévu et j’ai du abandonner. J’en étais à l’étape, ou il fallait abandonner une idée pour en trouver une autre. Puis j’ai eu l’idée de remplacer le socle par mon bras. Du coup ma pratique du plâtre serait plus conséquente et intéressante. Par ailleurs, même si je n’avais plus d’objet à associer avec une partie de mon corps, c’est l’association de ces deux fragments de corps (tête/bras) qui serait à l’origine de l’objet. Mon corps devenait donc l’objet. C’est une conception qui m’a beaucoup plu.

Fabien Prunier, La Source, décembre 2010

Je me suis donc lancé dans la pratique du plâtre en commençant par le moulage de ma tête complète. Pour cela il fallait préparer de l’alginate, une pâte rose à base d’algue que l’on étale sur le visage et que l’on recouvre ensuite de bande plâtrée. C’est à partir de là qu’il faut être en confiance avec tout les gens qui sont autour de vous et qui s’occupe de recouvrir votre visage car lorsqu’on ne voit rien, qu’on ne parle pas, qu’on respire grâce à des pailles dans le nez, qu’on sent beaucoup de gens autour de soi, il faut être très concentré et faire le vide pour ne pas tout arracher, il ne faut se focaliser que sur les voix que l’on veut entendre.

Fabien Prunier, La Source, décembre 2010

Une fois le visage recouvert, l’artiste Aurélien Boiffier s’est occupé de recouvrir mon crâne toujours par la même méthode d’alginate et de bandes plâtrées. Une fois fait, le temps de séchage fut long et un grand moment de solitude m’a envahit. Le séjour avait commencé très fort avec cette expérience. Une fois que l’alginate fut sec, j’ai pu enlevé les deux parties de plâtre, d’abord la partie du crane puis le visage. Il fallait ensuite les assembler et faire couler du plâtre à l’intérieur pour obtenir un positif. Une fois fini, j’ai pu démouler et retravailler les imperfections du plâtre et tailler dedans pour recréer la forme d’une oreille.

Fabien Prunier, La Source, décembre 2010
Fabien Prunier, La Source, décembre 2010

Le jour suivant j’ai pu attaquer le travail du bras. Il fallait d’abord trouver un récipient dans lequel mon bras rentrait. On en a créé un avec deux rouleaux en cartons que l’on a découpé puis rassemblé et fixer sur une base en carton. Ensuite, j’ai placé mon bras dans le récipient puis on a coulé l’alginate. Lorsque la matière fut sèche j’ai délicatement enlevé mon bras puis j’ai remplis le moule en carton de plâtre. Il ne me manquait plus qu’une corde, que je peindrais en blanc, pour assembler le bras et la tête afin d’obtenir le rendu souhaité.

Une fois les trois pièces rassemblées mon travail était terminé.

Je pouvais maintenant me concentrer sur la manière dont je présenterais mon projet. Je préférais positionner l’objet au sol puisqu’il s’agit d’un objet enfantin, du coup je me débarrassais d’un éventuel socle de présentation pour ma propre présentation. L’absence de socle désacralisait mon objet et permettait à mon objet d’être accessible facilement. Le lieu idéal aurait été de le poser dans une salle de jeu. On aurait dès lors compris immédiatement la notion du jeu dans ma vision de l’art. La tête et le bras posés verticalement au sol était une installation qui m’intéressait puisque ça donnait l’illusion d’un homme figé qui tente en vain de sortir du sol.

Fabien Prunier, La Source, décembre 2010

Cependant la vision du jouet était plus présente lorsque la tête était couchée. C’est donc la dernière solution qui se rapprochait le mieux de ma problématique artistique pour ce sujet.

On comprend immédiatement la notion du jeu lorsqu’on voit ce « bilboquet humain » mais également la prise de risque qu’il présente grâce à l’opposition entre la matière du bilboquet (le plâtre) qui semble être à la fois solide, fragile mais aussi lourd, et la fonction principale du bilboquet c’est-à-dire être léger, utilisé, difficile, balancé, abimé. On se retrouve alors avec un paradoxe qui met en avant à la fois l’effet comique, par la répétition du mouvement qu’engendre l’utilisation du bilboquet, le jeu, et aussi l’effet tragique de mon objet qui présente l’incapacité de jouer avec, par sa fragilité et sa dimension. L’essai, la tentative, la prise de tête, sont donc des notions présente, tant dans le jeu même du bilboquet que dans mon travail, ma vision de l’art.

Enfin, il ne s’agit pas de créer des œuvres qui respectent un sujet, mais il faut également, selon moi, être présent dans sa création d’une manière ou d’une autre, pour que le spectateur sente une présence lorsqu’il la regarde.

Il faut qu’il existe un lien, un sentiment, qui se transmette entre l’œuvre et le spectateur.

Fabien Prunier, terminale L.

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